AVENTURE ET FIRMAMENT CHILIENS

par Gérard FAURE

 

 

 

L'Amérique du Sud est lointaine pour un européen, mais a le double avantage d'offrir un dépaysement garanti, aussi bien sur terre que dans le ciel !
Le coût d'un tel déplacement et les grandes distances à parcourir, même localement, amènent à privilégier un séjour le plus long possible et une préparation adéquate du voyage.


Constitué de deux parties, l'article débute par le récit d'une aventure de 36 000 km traité principalement du point de vue de l'astronome, puis se poursuit par un descriptif détaillé des conditions et possibilités d'observations astronomiques locales.

 

Quel Astronome amateur ou professionnel, un tant soit peu baroudeur, n'a pas rêvé‚ un jour d'aller au bout du monde pour voir les observatoires mythiques dont les noms apparaissent dans les articles ou circulaires de découvertes astronomiques ?


En tant qu'astronome amateur de longue date, ayant déjà parcouru de longues distances pour la découverte du ciel austral ou l'observation d'éclipses totales de Soleil, je ne dérogeais pas à la règle.


Les récits d'amis astronomes ayant fait le voyage vers le Chili en 2005 et 2006 m'incitèrent à finalement choisir cette destination pour 2007 !
Une opportunité de période de congés décalés dans le cadre du travail se présentait pour pouvoir effectuer ce voyage à une bonne saison locale - le mois d'octobre – au début du printemps austral.

 

C'est ainsi que mon épouse Christine et moi nous sommes inscrits pour un périple astronomique au Chili, organisé par un organisme de voyages. Le manque de candidats pour le circuit d'octobre 2007 fit annuler ce projet, mais pas notre désir d'aller au Chili.

 

 

Trois mois de préparation

 

Renseignements pris sur le site du Ministère des Affaires Etrangères français, il s'avéra que le Chili était un pays sûr et nous décidâmes alors de faire le voyage en solo.


Les préparatifs durèrent 3 mois et nous envisagions d'allier la découverte de la plus grande partie de ce pays long de près de 4 300 km à celle d'une nouvelle découverte du ciel austral ainsi qu'à la visite de plusieurs observatoires astronomiques professionnels renommés.

C'est ainsi que le 28 septembre 2007 à 21h00, dans un avion décollant de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry, débute notre long voyage pour relier Madrid d'où nous prendrons un long vol de 14 heures à destination de Santiago de Chile, hélas sur deux sièges éloignés de tout hublot.


Le 29 septembre au matin, après le survol des Andes enneigées et la descente vers le plateau central chilien, nous prenons pied sur le sol convoité, fatigués mais heureux. La voiture de location prise, nous quittons l'aéroport de Santiago pour notre périple de près de 10 000 km en terre chilienne.

 

 

Santiago de Chile

 

Le tour du Chili commence par la visite de Santiago, grande ville de 2.5 millions d'habitants située dans une grande vallée très polluée, bordée des hautes montagnes andines enneigées sur l'Est. Des nappes grisâtres de pollution recouvrent souvent la ville et les banlieues voisines. Liées à l'éclairage urbain, elles rendent le ciel nocturne peu amène à l'astronomie. A vrai dire, je ne m'attendais pas à observer dès notre arrivée en terre chilienne et avais réservé les observations pour nos haltes dans de petits hôtels ou auberges éloignés des grandes villes. Le voyage était centré sur la Nouvelle Lune du 11 octobre 2007 et notre arrivée coïncidait avec la présence d'une Lune presque encore pleine dans le ciel.

 

Les 25 jours d'itinérance et les divers voyages aériens ne permettaient pas d'amener un matériel astronomique lourd et je suis donc parti, seulement équipé d'un matériel léger constitué d'un Celestron 90 (télescope de type Maksutov de 9 cm de diamètre) et d'une paire de jumelles 7 x 50, qui fixée sur une petite réglette aménagée à un trépied photographique devait servir de chercheur au télescope.


Les centres focaux des instruments avaient, par manque de temps, été hâtivement alignés entre eux, avant le départ, par quelques plaquettes de bois situées sous les jumelles et fixées sur la réglette commune.
Ces instruments ne devaient servir qu'aux observations personnelles glanées de-ci de-là lors de nos arrêts journaliers nocturnes, à l'aide de cartes détaillées préparées elles aussi avant le départ.

 

 

Direction Valparaiso

 

Santiago du Chili et ses principaux points touristiques visités, nous partons le 30 pour la côte de l'Océan Pacifique, vers la célèbre baie de Valparaiso. Nous y sommes cependant attendus par les nuages des alizés venant du Pacifique qui nous font débarquer sur la côte très citadine de Valparaiso et de sa station balnéaire de Vina Del Mar, sous un ciel gris heureusement transitoire.


Là encore, le spectacle est sur Terre et non dans le ciel, car comme dans toutes les grandes métropoles, les cortèges de lampadaires se dressent vers les cieux. Cependant, la baie de Valparaiso flanquée des douze collines sur lesquelles s'étale la ville est très belle à voir.

 

L'emblème du port de Valparaiso trône sur les frontons des grues, comportant les quatre étoiles brillantes de la Croix du Sud inclinée vers Gamma Crux dans un cercle au fond bleu clair.


La plage Los Marineros au nord de la baie nous attire, de jour ou de nuit, lors de nos visites des routes côtières environnantes. Les vagues y claquent en arrivant sur le sable. La nuit, une constellation de lumières bordent le port et les plages. Le ciel est clair le 1er octobre au soir et tout en masquant les lumières proches éclairant faiblement la plage, je découvre enfin un premier ciel étoilé au dessus du Pacifique. La vision n'est pas grandiose, mais après quelques hésitations, je finis par repérer notre compagne astrale Alpha du Centaure, escortée de Béta Centauri, encore assez hautes dans le ciel crépusculaire. Plus au nord, Jupiter brille près de la figure caractéristique du Scorpion complètement inversée par rapport à notre traditionnelle vision nordiste.

 

 

Jusqu'au bout de la Panaméricaine

 

Le lendemain, nous mettons cap au sud pour une longue descente qui doit nous amener tout au bout de la Panaméricaine, qui partie de l'Alaska se termine par -42° de latitude, dix degrés de latitude plus bas que Valparaiso. La première nuit est couverte à Chillan, ville tristement célèbre pour le tremblement de terre de 1960 de magnitude Mw 9.5 (record mondial terrestre, qui fut aussi le 6ème séisme destructeur de Chillan depuis sa création en 1580).

 

Le 03 octobre, le ciel est tout gris. La descente vers le sud s'accompagne de la présence de plus en plus grande de nuages menaçants et d'un petit crachin près de Concepción, la 2ème grande ville du Chili.
A Villarica (-39° de latitude), l'Hosteria de la Colina, tenue par un couple d'américains surplombe la petite ville en bois bordée d'un lac auprès duquel trône le volcan actif Villarica.


Malgré la présence de lumières et d'enseignes lumineuses en contrebas, le site semble devoir être assez intéressant pour les observations astronomiques, mais le ciel est couvert lors de notre passage.

 

 

Au sud du 40ème parallèle Sud

 

Le 04 octobre, nous franchissons le 40ème parallèle sud sous une pluie discontinue et un ciel lourd de nuages noirs. On approche de la Région des Lacs très verte et très pluvieuse et atteignons en soirée Puerto Montt, ville où se termine la Panaméricaine continentale. Il pleut et le vent souffle sur les crêtes.
Malgré tout, le moral est au beau fixe, car l'objectif du lendemain sera de prendre l'avion pour partir faire un saut d'une journée dans la lointaine Patagonie !


A l'aube du vendredi 05 octobre, toujours sous un ciel gris, débute la folle journée. L'avion de Lan Chile décolle de Puerto Montt pour survoler l'estuaire de Reloncavi et ses divers îlots avant de franchir la couche de nuages bas et surplomber progressivement une mer de nuages d'où émergent de temps à autre les cimes de chaînes de montagnes et de volcans. Sur près de 2 000 km, nous survolons principalement l'Aisen, région au climat très dur, alternant glaciers, fjords, montagnes et lacs gelés. Cette région inhospitalière et difficile d'accès isole la Patagonie du reste du Chili.

 

 

Arrivée sur la Patagonie


Le 50ème parallèle Sud est franchi en vol sur une mer continuelle de nuages, mais les nuages s'effilochent enfin à l'arrivée sur la Patagonie.


Le Détroit de Magellan miroite au Soleil perçant la couche nuageuse par endroits tandis qu'au loin se dresse la barre sombre de l'île de la Terre de Feu. Pendant 6 heures, avec un nouveau véhicule, nous explorons le péninsule de Brunswick, en commençant par la traversée de Punta Arenas - la ville continentale la plus au sud de la planète - à -53° de latitude. Nous continuons encore vers le sud, le long du Détroit de Magellan, traversant un paysage glacial et steppique, pour arriver à notre point ultime à -53° 10' au fort chilien de Bulnes, première implantation chilienne, à proximité du Puerto del Hambre (port de la faim), lieu tragique de la première colonie espagnole de 1584.


Un vent glacial y souffle. La pointe nord de l'Antartique est à environ 1 000 km et à cette latitude de -53°, le spectacle que doit offrir le ciel nocturne doit être très particulier. la Croix du Sud, la Carène et le Centaure entre autres y sont circumpolaires.
Les nuits dégagées doivent montrer un pôle sud très haut dans le ciel et les nuages de Magellan circumpolaires doivent y faire une ronde continuelle.
Les constellations australes très élevées dans le ciel et celles boréales très basses sur l'horizon Nord doivent dérouter l'astronome du nord, de passage en Patagonie.
Vega, Deneb et Capella n'y sont jamais visibles, de même que les zones boréales au-delà de la déclinaison +37°, car situées sous l'horizon Nord.


Le temps nous est compté et le reste de la journée est passé à sillonner les pistes du nord de la péninsule de Brunswick, dans des paysages désolés, steppiques, marécageux et souvent gelés, sous un ciel très bas. Les barres de pluie se succèdent et les nuages frôlent souvent le sol. La recherche d'une colonie de pingouins de Magellan sur l'estuaire Ottway, au nord-ouest sera vaine.


Roulant à vive allure sur les pistes, nous retournons enfin vers l'aéroport de Punta Arenas pour reprendre l'avion qui décolle au crépuscule de la Patagonie s'enfonçant lentement dans l'obscurité. Le Soleil du grand sud inonde l'intérieur de la cabine de l'avion avant de disparaître derrière les vagues successives des nuages bas des alizés du Pacifique progressant vers la pointe sud des Amériques. Par le hublot, j'entrevois à nouveau Jupiter et le Scorpion et plus au sud les 2 acolytes du Centaure, brillant dans le crépuscule nautique, de même que les deux plus brillantes étoiles de la Croix du Sud encore plus basses. L'arrivée sur l'aéroport Tepual de Puerto Montt se fait sous un ciel pluvieux, mais nous sommes bien sûr très heureux de cette journée historique !

 

 

L'île Chiloe

 

Le 06 octobre, c'est la visite de l'île Chiloe, très pittoresque avec ses églises et ses villages en bois. Cette ile, soumise à un climat océanique très pluvieux, ne connaît qu'environ 60 jours de soleil par an et s'étire du 41ème au 43ème parallèle Sud. Des vents humides du Pacifique arrosent continuellement de pluies intenses les bords ouest de l'île. Il n'y a pas de risque de se tromper en pensant que cette île n'offre vraiment pas de conditions paradisiaques ou astronomiques parfaites...


Surprise cependant en revenant sur le continent ! Le ciel se dégage et en pleine campagne, j'arrête quelques instants la voiture pour admirer enfin à l'oeil nu, dans le noir, le ciel sud avec notamment la Croix du Sud entière, couchée sur le côté et la Voie Lactée australe infiniment plus belle et brillante que la partie nord !
Malheureusement, il faut rejoindre la ville de Puerto Montt où se situe les hôtels...

 

 

Lacs, volcans et chutes d'eau

 

Le 07 au matin, le ciel est découvert, bien bleu, se prêtant magnifiquement à la traversée de la somptueuse région des Grands Lacs, tout en débutant notre remontée vers le nord du Chili, jusqu'à -22° de latitude.
Toute la journée, nous traversons une région ponctuée de grands lacs très beaux, de volcans impressionnants à la neige étincelante, de chutes d'eau tumultueuses et de villages typiquement allemands et suisses, tel Puerto Varas habité par une importante colonie d'allemands émigrés des XIXème et XXème siècles !


Le lac Todos Los Santos est splendide et bordé de montagnes et de volcans magnifiques comme l'Osorno (2652m), ses flancs enneigés géométriquement esthétiques brillant au Soleil d'un éclat métallique, ou encore le volcan Puntiagudo offrant à la vue son cône enneigé très pointu et torturé.

 

 

Premières images du ciel depuis Villarica

 

La nuit est sur nous au retour à l'Hosteria de la Colina à Villarica et la soirée est tout aussi belle et dégagée, ce qui me permet enfin d'imager un peu le ciel sud dès l'arrivée, appuyé contre le toit de l'auto avec un Panasonic TZ3, puis d'observer le ciel après dîner de la grande terrasse Est de l'hosteria, avec l'accord enthousiaste du patron m'ayant même proposé en prêt un ETX70 Meade.


Mon premier désir est alors de reconnaître d'abord les diverses constellations de l'hémisphère austral, de ce coin de l'hémisphère sud, à -39° de latitude. L'inclinaison des constellations du sud en ce lieu est encore assez grande.

 

 

 [+] Le ciel au Sud-Ouest à 39° de latitude Sud. Au centre, notre voisine Alpha du Centaure et la Croix du Sud se couchant - © Christine et Gérard Faure

 

 [+] Quelques repères dans le ciel austral - © Christine et Gérard Faure

 

La présence de Villarica en contrebas est peu gênante et grisaille un peu le ciel, mais la magnitude 5 est encore bien visible.


Du Sagittaire à Sigma Octant - la Polaire du Sud - en passant par le Scorpion, l'Autel, le Triangle austral, le Paon, l'Indien, la Grue, le Toucan, l'Hydre femelle, la Dorade et une partie de la Carène, j'explore et identifie une à une les étoiles. Un rectangle d'étoiles brillantes formées de Peacock (Alpha Pav), Alpha Ind, Alnair (Alpha Gru) et Alpha Tuc sert de point de repère pour des raids vers d'autres étoiles plus lointaines dans le ciel. Les deux nuages de Magellan sont visibles à l'oeil nu de même que NGC104, l'un des amas globulaires remarquables du ciel austral. J'observe aux jumelles les diverses splendeurs précitées, quand hélas, je m'aperçois de la présence de nuages élevés progressant dans le ciel vers 23h30 TL. Un vent frais monte de la vallée. Un quart d'heure plus tard, je dois cesser les observations. Les nuages élevés recouvrent déjà plus de 90% de la voûte céleste.

 

 

Le ciel profond austral


Au matin du 08 octobre, nous faisons le point de notre position. Nous avons un rendez-vous astronomique important à 1 500 km de là pour le 09 au soir ! Il n'est donc plus question de traîner et après la visite de Puçon – ville de la Jet Set chilienne, nous remontons à vive allure la Panaméricaine vers Santiago, via les vertes régions de l'Araucania et de Bio-bio.


Nous dépassons Santiago et après un arrêt tardif dans un hôtel, nous repartons le lendemain pour La Serena, ville souvent évoquée dans les articles astronomiques pour sa proximité aux grands observatoires. Après quelques courses sur place, nous prenons la route de la vallée de l'Elqui jusqu'à la petite ville de Vicuña, sous un ciel est de plus en plus bleu, se débarrassant enfin de ses derniers nuages moutonnés élevés. Il est 17h30 et sitôt arrivés dans la chambre réservée d'un « residencial », petit hôtel simple, nous nous activons à d'étranges préparatifs, sortant affaires polaires et autres habits chauds.


Tout est prêt à 18h30 et nous sortons du residencial, mais avons de la difficulté à ouvrir la porte du garage, car... quelqu'un semble aussi vouloir faire de même de l'extérieur.
La porte s'ouvre enfin... sur Eric Escalera, notre guide Astro de la nuit future, contacté depuis des mois et rentré d'une étape de 600 km pour notre rendez-vous !
La surprise passée et un contact chaleureux établi, nous décidons de nous retrouver à 19h30 au siège de « Astronomica Del Sur », société chilienne construisant des observatoires et dans laquelle travaille Eric et plusieurs collègues chiliens.


C'est la course folle pour trouver entretemps à dîner rapidement et finissons par prendre d'assaut un snack au nom tout astronomique de « Halley » !


A 19h15, nous sommes au lieu de rendez-vous et voyons Eric et son ami chilien Cristian Valuenzela charger du matériel sur un pick-up. Il fait nuit quand nous sortons de Vicuña et très vite nous gravissons une piste assez raide. Eric nous amène non pas à leur observatoire en cours de construction, mais vers une zone dégagée à 1500 m, digne d'un paysage martien s'il n'y avait quelques arbustes et buissons secs épars.
Le ciel est très pur et une brise légère souffle de temps à autre de ce coin désolé situé à quasiment -30° de latitude, non loin de l'Observatoire du Cerro Tololo.

 

[+] Notre petit groupe (Cristian Valuenzela, Gérard et Christine Faure, Eric Escalera) devant le Dobson de 300mm

© Christine et Gérard Faure

La nuit est d'encre et nous ne serons pas gênés par la Lune qui sera nouvelle dans moins de 48h. Les crêtes des monts aux alentours ne se détachent que très peu sur le fond du ciel à l'horizon.
A l'ouest, brille la lumière zodiacale. Bien que bas sur l'horizon, le Sac à Charbon proche de la Croix du Sud est visible à l'œil nu, tandis que le Sagittaire et le Scorpion trônent non loin du zénith, laissant les objets Messier se dévoiler les uns après les autres.

 

Pendant qu'Eric et Cristian s'activent au montage de leur dobson de 300mm, Christine et moi découvrons la splendeur du firmament austral avec en vedettes la Voie Lactée australe et les nuages de Magellan. Nous imageons les zones célestes les plus belles de ce début de nuit avec notre Panasonic TZ3 montrant les objets les plus remarquables, y compris les nuages de Magellan faiblement visibles sur des poses de 60 secondes.

Le dobson est bientôt en batterie et commence alors le grand tour dans le ciel austral, en visant tout d'abord le très gros amas globulaire Omega du Centaure à 17 000 AL, sur le point de se coucher. L'amas regorge d'étoiles brillantes très serrées se fondant en un conglomérat lumineux central. Très vite, nous le voyons disparaître derrière la silhouette d'une montagne. La vision est fantasmagorique, car dans le champ de vision de l'oculaire, Omega semble être tout un pan de ciel peuplé de myriades d'étoiles serrées se couchant majestueusement à l'horizon.

 

Alpha du Centaure est la cible suivante. Nous l'avons maintes fois vue lors de nos voyages aux basses latitudes boréales, mais se remémorer le fait que cette belle double colorée jaune et orange est notre plus proche voisine visible à l'œil nu, à 4.36 AL, est toujours très émouvant.

Vient automatiquement ensuite l'idée de voir son compagnon « Proxima du Centaure », que le dobson de 300mm doit pouvoir montrer sans problèmes. Très vite Eric et Cristian cheminent vers elle et l'identifient à proximité d'un triangle d'étoiles de magnitude 10 à 11. Enfin s'offre à nous la réelle plus proche étoile du Soleil, faible lumignon rougeâtre perdu dans un champ rempli d'étoiles, et pourtant à peine à 4.22 années-lumière ! Cela nous rappelle alors que même le Soleil est invisible à l'œil nu à plus de 40 AL...

 

L'amas globulaire NGC 104, à 13 400 AL, mais en apparence proche du Petit Nuage de Magellan, est ensuite visé. S'il est moins impressionnant qu'Omega du Centaure, il est pour autant très beau à voir, avec des étoiles très fines se dispersant graduellement du centre presque résolu aux bords indéfinis lointains.
Le suivant est NGC 362, autre amas globulaire de notre galaxie, à 27 700 AL, encore plus petit et compact, mais des centaines d'étoiles faibles sont visibles à la périphérie de l'amas.

 

[+] Le Grand Nuage de Magellan

© Cristian Valenzuela

C'est ensuite la plongée dans le Petit Nuage de Magellan, après une exploration à la jumelle montrant bien l'aspect général de ce satellite de la Voie Lactée. De nombreux amas ouverts et concentrations d'étoiles visibles en son sein émerveillent l'observateur.


Rien ne vaut cependant le survol du Grand Nuage de Magellan et la vision de ses principales merveilles situées à environ 160 000 AL. La nébuleuse diffuse NGC 2070, connue sous le nom de la Tarentule, est splendide avec son conglomérat de nuages sombres et brillants. Malgré la distance, la nébuleuse est très large.
Tout à côté d'elle, l'amas globulaire NGC 2100 du GNM est visible comme une petite boule floue dont les pourtours stellaires sont devinables.


[+] Zone du Centre Galactique

© Cristian Valenzuela

Cap ensuite vers le centre du GNM pour voir l'amas ouvert NGC 1910 et son étoile supergéante S Doradus, estimée à 1100 diamètres solaires. S Dor et ses compagnes d'amas sont bien visibles en vision indirecte. Deux autres amas ouverts attirent l'œil à proximité : NGC 1874 et NGC 1856.


L'exploration complète des 2 nuages demanderait des heures, mais le temps passe et Cristian, fin connaisseur des galaxies australes nous entraîne dans la vision des plus belles d'entre elles dont la vision détaillée nous arrache des soupirs de satisfaction : NGC 300 et NGC 55 dans le Sculpteur, NGC 253 longue et déformée, NGC 1365 qui, dans le Fourneau, se découvre comme une belle spirale barrée à 56 millions d'AL, puis enfin l'amas Fornax de galaxies. 5 à 7 galaxies de cet amas sont observées par notre groupe.

 

A mon tour ensuite de les entraîner vers 2 astéroïdes bien choisis pour cette nuit chilienne.
La recherche du premier objet – un géocroiseur de type Amor (périhélie > orbite terrestre) numéroté et dénommé (4954) Eric de magnitude V11.8 prévue - est assez vite finalisée par Cristian et confirmée par les 3 autres observateurs.
Tour à tour ensuite, nous revenons sur l'objet qui, animé d'un mouvement rapide, peut être formellement identifié parmi les étoiles voisines de l'Ecliptique.


La seconde cible est plus délicate car bien plus faible. Dénommée « Chile » - Chili en espagnol - par son découvreur Eric Elst suite à ses observations en 1988 à partir de l'Observatoire de La Silla proche de notre site, la petite planète (4636) Chile est de magnitude prévue V15.6. Il est plus difficile de percevoir des étoiles faibles avec un dobson ne permettant pas les forts grossissements aptes à faire ressortir les faibles objets d'un fond de ciel assombri d'un champ d'oculaire. Effectivement, seuls Cristian et moi finissons avec quelques efforts à l'entrevoir.

 

Nous repartons ensuite à l'assaut des constellations australes d'hiver se levant à l'Est. Des voiles à la Carène, nous faisons une nouvelle moisson de belles merveilles australes.


L'amas ouvert austral IC 2602 surnommé aussi « Les Pléiades australes » est beau à voir brillant et lâche aux jumelles. L'étoile double Gamma Vel offre un couple bien lumineux d'étoiles supergéantes de type O. A l'œil nu, cette étoile forme un beau triangle rectangle, avec Dzeta Pup et Lambda Vel.


La cible finale est la nébuleuse de la Carène, alias NGC 3372. Elle est très détaillée et très large avec le dobson de 300mm. L'étoile orange en son sein est entourée de deux petits nuages gris très fins en forme de spire.
La nuit est déjà très avancée et ayant pu voir une grande majorité des merveilles australes invisibles de France, nous stoppons là notre périple du ciel austral. Le matériel rangé, nous redescendons vers la vallée de l'Elqui par les pistes pour arriver sur Vicuña où nous quittons Cristian et Eric, heureux de notre très belle nuit !

 

 

L'observatoire de Mamalluca

 

 

[+] Planétarium de l'Observatoire public de Mamalluca

© Christine et Gérard Faure

 

[+] Coupole de l'Observatoire public de Mamalluca

© Christine et Gérard Faure

 

Après un court repos matinal, nous repartons pour une nouvelle journée d'exploration chilienne, démarrée par la visite de l'Observatoire public de Mamalluca, situé à 9 km de Vicuña et facilement accessible par une route puis une piste terminale sur le flanc de l'une des montagnes bordant la Vallée de l'Elqui. Au loin vers le sud, sont visibles les coupoles de l'Observatoire du Tololo et celles du Gemini.


Nous visitons tout l'observatoire grâce au gardien nous ayant ouvert gracieusement coupole, salles et planétarium. Quelques dobsons et un Meade LX-200 de 300mm forment la flottille astronomique de cet observatoire offrant des visites guidées de 2 heures certaines soirées. La journée se termine à La Serena et par une nouvelle ballade vaine sur piste pour voir les manchots de Humboldt sur le bord du Pacifique.

 

 

A l'assaut des observatoires mythiques du ciel austral

 

Cap ensuite le lendemain 11 octobre, vers les grands observatoires mythiques du ciel austral !
Malgré de nombreux messages passés avant notre départ pour le Chili, nous n'avions pu obtenir la possibilité de visiter les observatoires en dehors des quelques jours de visites guidées officielles. Le Chili est grand et il est bien difficile d'arriver à insérer les dates des visites officielles des observatoires dans un circuit touristique nécessitant de longues étapes.

 

 

[+] Coupoles des SOAR (4 m) et Gemini (8 m) du Cerro Pachon  

© Christine et Gérard Faure

 

[+] La Silla... dans les nuages

© Christine et Gérard Faure

 

L'espoir est quand même présent de pouvoir au moins voir les sites et les coupoles des grands observatoires – comme pour d'autres observatoires de la planète déjà visités – mais nous trouvons cette fois des barrières et des gardes, sur les pistes montant au Tololo et plus tard sur celle atteignant l'Observatoire de la Silla où tant d'astéroïdes ont été découverts dans les années 80, notamment par les astronomes professionnels belges Eric Elst et Henri Debehogne.

 

[+] Observatoire de Las Campanas

© Christine et Gérard Faure

Nous nous rabattons alors vers l'Observatoire de Las Campanas partageant la même piste que La Silla dans les premiers kilomètres.
La montée vers Las Campanas nous permet d'apercevoir au loin les nombreuses coupoles de La Silla brillant au Soleil, mais cachées de temps à autre par des nuages d'alizés qui ce matin passent sur le sommet.

 

Notre persévérance est récompensée quand enfin nous arrivons jusqu'à l'Observatoire de Las Campanas sans avoir été bloqués par des gardes comme dans les autres observatoires retranchés.
Prudemment, pour ne pas déranger, nous avançons vers les coupoles, quand nous sommes interpellés par un membre de l'Observatoire. Cela en est fini de la visite, se dit-on, mais nous avons une bonne surprise en entendant le chilien présent nous proposer fort sympathiquement une visite guidée de tout l'observatoire de Las Campanas !

 

La visite est très bien faite, permettant d'aller en crescendo dans les diamètres des instruments vus.
La première coupole d'un blanc éclatant contient un télescope d'un mètre de diamètre, de type Ritchey-Chrétien, nommé « Swope Telescope », au tube blanc entièrement fermé et représentatif des instruments des années 60. C'est le premier instrument installé en 1971 sur le cerro Las Campanas.
La salle de contrôle comprend quelques appareils et ordinateurs permettant le pointage précis du télescope et toutes les opérations de suivi équatorial et de travaux d'imagerie astronomique.

 

 

[+] Coupole du télescope Swope de 1 mètre

© Christine et Gérard Faure

 

[+] Télescope Swope de 1 mètre

© Christine et Gérard Faure


Javier Rivera, notre guide sympathique, gérant la maintenance de tout le parc de coupoles de l'Observatoire, nous amène ensuite vers une coupole plus massive contenant un télescope de Schmidt de 2.5 mètres de diamètre, au tube ouvert et nommé « Irénée Dupont ». Installé en 1977, il est destiné à fournir des images de très larges champs célestes. Sa salle de contrôle est plus impressionnante que celle du télescope Swope et doté de matériel plus moderne.

 

 

[+] Coupole du télescope Irénée Dupont de 2,50 mètres

© Christine et Gérard Faure

 

[+] Télescope Irénée Dupont de 2,50 mètres

© Christine et Gérard Faure

 

Le clou de la visite sera tout de même la visite des deux télescopes Magellan de 6.5 mètres de diamètre ! Appelés « Baade » et « Clay », les deux télescopes à très courte focale sont des merveilles technologiques. Les miroirs sont équipés de vérins qui corrigent leur courbure à 0.05 microns près.
Leurs deux énormes coupoles gris-bleutées de forme atypique trônent sur le site de l'Observatoire de Las Campanas.

 

 

[+] Coupoles des télescopes Magellan

© Christine et Gérard Faure

 

[+] Coupole N2 du télescope Magellan 6,50 mètres

© Christine et Gérard Faure

 

[+] Télescope Magellan de 6,50 mètres

© Christine et Gérard Faure

 

Leurs salles de contrôle sont dignes de celles de la NASA, par le nombre impressionnant de matériels et d'écrans gérant de très nombreux paramètres instrumentaux avec une précision très grande. De multiples accessoires peuvent être rapidement mis en fonction pour des travaux astronomiques divers (imagerie CCD dans diverses bandes, spectroscopie, etc). Une salle d'aluminure commune est sise entre les deux coupoles.


Nous terminons la visite par un pot sympathique pris avec Javier et Oscar Duhalde, l'un des deux découvreurs de la célèbre supernova 1987A dans le Grand Nuage de Magellan !

 

[+] Christine et Gérard Faure en compagnie d'Oscar Duhalde et de Javier Rivera

© Christine et Gérard Faure

 

 

Désert d'Atacama et Altiplano Chilien

 

[+] Monument au tropique du Capricorne

(-23°27')

© Christine et Gérard Faure

C'est à regret que nous quittons Las Campanas, mais il nous faut continuer notre périple vers le nord et traverser notamment le Désert d'Atacama. Après une nuit passée dans la ville-oasis de Vallenar, nous traversons le grand désert, au ciel bleu très pur, sur le long ruban de la Panaméricaine, bordée de temps à autre de hameaux de baraques en bois jouant le rôle de relais pour les camionneurs dans leurs trajets dépassant fréquemment plusieurs milliers de km.

 

Après 700 km de traversée du Désert d'Atacama vers Antofagasta, le grand port du nord du Chili, le ciel paraît devenir brumeux et jaunâtre. Des mines égrènent le paysage du désert, mais l'arrivée sur Antofagasta nous fait découvrir diverses usines et mines très polluantes. La qualité du ciel en souffre.


De même, le lendemain, entre Antofagasta et Calama, en route vers l'Altiplano et San Pedro de Atacama, nous découvrons un désert bouleversé et inesthétique.

 

Heureusement, passé Calama et la grande mine de cuivre proche de Chuquicamata, le Désert d'Atacama redevient lui-même. Le ciel partiellement voilé rougeoie à l'arrivée sur San Pedro de Atacama où nous trouvons, surpris, des cohortes de touristes.

[+] Plaque explicative sur le Monument au tropique du Capricorne

© Christine et Gérard Faure

Pas de possibilité ce soir-là de trouver un bungalow dans un hôtel en bordure de San Pedro et nous devons nous rabattre avec peine sur une chambre d'hôtel, trop bien éclairée.


Du 14 au 16 octobre, nous faisons divers raids vers les hauteurs de l'Altiplano et découvrons ses beaux paysages (salars, lacs de montagne, volcans, etc) et animaux particuliers tels les lamas, vicunas, viscaches et zorros, en dépassant en voiture les 4 200, puis les 4 300 et enfin les 4 800 m sur la route internationale allant du Chili à l'Argentine et culminant à 4 839 m !

 

Difficile de lier les découvertes de l'extrême et l'Astronomie, et malgré des départs matinaux pour des sites élevés et un ciel changeant sur San Pedro de Atacama, je réussis à voir le ciel le 15 au soir avec mon matériel propre à partir du terre-plein d'un bungalow excentré de l'Hôtel Altiplanico.
Je commence les observations par un nouveau repérage des constellations australes et du pôle Sud céleste, puis j'explore à nouveau les deux nuages de Magellan, repérant les principaux amas ouverts et globulaires et les nébuleuses diffuses. Un télescope de 9 cm ne peut cependant ne montrer tous ces objets que sous la forme de tâches floues, mais les repérer est déjà passionnant !


Malheureusement, au bout de 2 heures, le ciel se couvre et je dois abandonner les explorations célestes.

Je ne pourrai observer le 16 au soir, le ciel étant couvert sur San Pedro, ni les nuits suivantes, lors de notre retour vers Santiago de Chile, du 17 au 20 octobre. Aucun autre hôtel ne me permettra des observations célestes nocturnes, la Lune approchant de plus de sa phase pleine.

 

[+] Mano Del Desierto (11 mètres de hauteur)

© Christine et Gérard Faure

 

 

Observer le Ciel Chilien

 

En finalité, nous n'aurons jamais trouvé d'hôtel en dehors des villes et villages, comme dans la plupart des pays d'Europe.

Cette première expérience chilienne m'aura permis de dégager les grandes lignes sur les possibilités réelles d'observations astronomiques au Chili en tant qu'itinérant armé d'un matériel astronomique léger.

 

Il faut certainement d'emblée faire une croix sur les possibilités d'observer à proximité des observatoires professionnels, ceux-ci étant déjà difficiles d'accès même pour un simple regard des lieux en dehors des rares possibilités officielles de visite. Leur rigidité, sauf accord préalable au voyage et arraché par des personnes très influentes, est tristement exemplaire, notamment pour l'ESO...

 

Les observatoires publics qui, pour la plupart, proposent la découverte du ciel au public néophite ne permettront pas l'observation du ciel sur une nuit complète, ni le choix des objets observés. On devra donc revoir les planètes majeures ou certaines merveilles célestes aisément observables d'Europe... et râter d'autres splendeurs plus australes.

 

Le Chili est un pays assez sûr et si l'on fait un voyage en groupe de 4 personnes et plus, il doit être faisable, en s'éclipsant discrètement, hors de vue des lieux habités et des voies de circulation, de passer des nuits inoubliables dans le désert d'Atacama, un lieu montagneux ou dans des parcs naturels.

Les hôtels, par contre, se trouvent quasiment tous en agglomération et sont bien éclairés extérieurement. Seuls seraient utilisables ceux situés en périphérie de petites villes ou villages. Encore faut-il qu'ils puissent avoir des bungalows indépendants, des balcons ou un terre-plein bien dégagé et peu éclairé.


Sur tout le voyage, je n'en ai trouvé que deux déjà cités : L'Hosteria de la Colina, à Villarica (latitude –39°) et l'hôtel Altiplanico à San Pedro de Atacama (latitude –23°). Ce dernier situé en bordure de San Pedro possède des bungalows, dont certains possèdent des terrasses sur leur toit, dans un environnement assez faiblement éclairé, les éclairages d'extérieur pouvant souvent être éteints manuellement.

 

La liste est loin d'être exhaustive, car je n'ai pu faire un relevé précis par région.
J'ai cependant appris l'existence d'un hôtel très particulier – L'Elqui-Domos – situé dans la vallée de L'Elqui (-30°) et constitué de chambres sous dôme permettant de dormir sous les étoiles mais aussi d'observer avec un petit télescope (60 à 80mm) fourni avec chaque chambre.
Tout proche, l'Hôtel Elqui propose des tours guidés avec un dobson de 300mm éventuellement disponible pour des astronomes amateurs.

 

Plus au sud que La Serena, à proximité d’Ovalle, à -30° 32’ et accessible qu’en 4x4, se trouve un gite rural nommé « L’Hacienda des étoiles » possédant deux télescopes de 40 et 20 cm, en pleine montagne.  Ce gite est tenu par un couple de français.

 

Des possibilités doivent aussi exister dans les structures d'accueil des nombreux parcs nationaux, mais il faudra sans doute compter sur des conditions assez sommaires de logement, ce qui pourra déplaire aux accompagnateurs et accompagnatrices non astronomes.

Il existe enfin au Chili des « posadas », auberges situées le long de la Panaméricaine et des « residenciales » qui sont des hôtels très simples de petites villes et dont certains pourront cependant valoir certains hôtels de plus grand standing pas toujours assuré.


Outre leur faible coût, leur nombre dans les petites villes et gros villages sera certainement supérieur à celui très faible des hôtels connus des guides touristiques. Des observations à partir de certains residenciales aux cieux peu pollués doivent très certainement être faisables.

 

En dehors de la partie Nord du Chili où il existe des observatoires ou lieux d'observations ouverts aux astronomes amateurs, il serait très intéressant de dresser une liste de ces structures d'accueils potentiellement intéressantes pour les astronomes voyageurs. Je serais très intéressé de recevoir des informations si vous, lecteur, en possédez.

La zone chilienne concernée serait celle où n'existe aucun observatoire ouvert aux amateurs, de –36° (500 km au sud de Santiago) aux –55° de la Patagonie.


N'oublions pas cependant un obstacle de taille pour ces régions au sud de Santiago : le CLIMAT !
En effet, le ciel est plus fréquemment couvert au fur et à mesure que l'on descend vers le sud et les nuits dégagées sont semble t'il souvent humides et instables. Le quart Sud du Chili, sous –43° est - outre sa difficulté d'accès – soumis à des conditions souvent froides, sous des pluies, vents forts et neige fréquents.

 

Les voyages effectués d'octobre à avril sous la latitude -33° devraient quand même permettre, avec un peu de chance, d'avoir de temps à autre de belles nuits dégagées permettant alors d'observer le ciel austral avec ses merveilles de plus en plus hautes dans le ciel. Une nuit dégagée de printemps ou d'automne en Patagonie doit être extraordinaire, avec un pôle Sud à plus de 50° de hauteur et les merveilles célestes les plus sudistes continuellement visibles, bien hautes dans le ciel !

 

Outre le climat, il sera probablement difficile, pour des raisons de surcoût aérien de poids excédentaire aux traditionnels 20 kg autorisés par personne en classe Touriste, d'amener des gros instruments optiques et la solution d'opter pour une ou plusieurs nuits dans les observatoires privés ouverts au public et situés de –36° à –22° sera à toujours prendre en compte dans la préparation de votre périple chilien.

Grâce à divers contacts locaux, j'ai pu obtenir une liste apparemment complète à ce jour des divers types d'observatoires ouverts à l'observation au grand public ou plus particulièrement dédiés aux astronomes amateurs voire professionnels.

 

Pour un observateur boréal, plus l'observatoire sera au sud, plus complète sera la découverte du ciel austral par le nombre d'objets austraux disponibles. Il faudra cependant choisir préférentiellement les observatoires situés dans les zones désertiques et à proximité des grands observatoires professionnels, gages de nuits découvertes plus sûres et nombreuses.

 

Les deux zones chiliennes les plus célèbres pour les observations astronomiques sont les montagnes désertiques situées à l'Est de la ville de La Serena, de -28 à -30° Sud, et la zone de San Pedro de Atacama, sise elle à -23° Sud.

 

Les statistiques météo donnent cependant un avantage à la région à l'Est de La Serena où se situent à raison tous les grands observatoires optiques professionnels.

La zone des grands observatoires autour de Vicuña (-30°) est créditée en moyenne de 320 nuits de ciel clair par an, dont 280 photométriques (données Observatoire Tololo 2003-2007).


Le LSST (Large Synoptic Survey Telescope) de 8m doit être installé au Cerro El Peñon, près du Gemini et l'Observatoire de Las Campanas a été préféré à l'Atacama pour recevoir le futur GMT (Giant Magellan Telescope) de 24m de diamètre.

 

Si ces observatoires professionnels ne sont pas ouverts aux amateurs, ce n'est par contre pas le cas du tout nouvel observatoire Del Pangue, situé non loin du Cerro Tololo et dédié spécialement aux amateurs actifs. Outre des gros instruments de 400 et 630mm, une structure d'accueil est disponible sur place (cuisine, salles de repos). Cet observatoire privé est dirigé par un français et ses deux associés chiliens.

 

 

[+] Observatorio Inca de Oro (69°54'W et 26°46'S)

© Astronomica del Sur

 

[+] Le gros dobson de 630mm de l'Observatoire Del Pangue

© Astronomica del Sur

 

Le désert d'Atacama vers -26° offre aussi de beaux cieux, mais les conditions d'accueil y sont beaucoup plus limitées. L'Observatoire Inca Del Oro (-26°44') au ciel très pur et permettant des observations libres aux télescopes, est assez éloigné des possibilités de logement sises à 50 km de là, à Diego de Almagro.

 

L'Observatoire du Paranal, situé un peu plus au nord, à -24°40' de latitude, est dans une zone côtière du désert d'Atacama, difficile d'accès mais sans activité minière importante. Le TMT (Thirty Meter Telescope) de 30m pourrait être installé sur le Cerro Armazones, proche du Paranal, mais beaucoup plus éloigné de la côte soumise parfois aux condensations côtières.

 

Au 23ème degré de latitude sud, une bonne option, pour des amateurs, cependant outillés, est Baquedano (petite cité possédant un observatoire scolaire privé, sur la panaméricaine, à -23°20'). Ce village, situé en plein coeur du meilleur de l'Atacama, offre des possibilités d'hébergement et des restaurants corrects, et dispose en sus d'un ciel exceptionnel tout à fait adapté pour des amateurs équipés qui peuvent donc installer leur matériel à quelques km du village.

 

La zone de San Pedro de Atacama, à -23° et plus à l'Est, est sujette l'hiver aux débordements nuageux venant de Bolivie, durant les mois de novembre à janvier, un phénomène qui s'accentue d'année en année, probablement en raison du réchauffement climatique.
La poussière soulevée par les véhicules sur les nombreuses pistes de la région de San Pedro de Atacama du fait du tourisme de masse peut aussi affecter la transparence du ciel local.


Les statistiques officielles de nuits photométriques pour la zone de San Pedro (altitude de 2 300 m) n'existent pas, car il n'y a là aucun observatoire professionnel, mais le nombre de nuits dégagées y est inférieur à celui des grands observatoires de -28 à -30° de latitude. Une campagne d'observations sur le site proche du Chajnantor à 5 100m d'altitude a permis en 2000 d'estimer le nombre annuel de nuits photométriques à 220 en haute montagne.

 

En finalité, il existe de nombreux lieux dédiés à l'Astronomie touristique et amateur au Chili. J'ai donc listé dans un tableau, et du Sud au Nord, tous les observatoires astronomiques ouverts au grand public et permettant une découverte générale du ciel et de l'astronomie sur une soirée, ainsi bien sûr que ceux permettant des observations pour des nuits entières.


Certains observatoires amateurs privés ne sont pas ouverts au public, mais peut-être que des accords pourront être passés entre astronomes amateurs avertis ? Je les ai donc inclus dans le tableau N°1.

Tous ces observatoires ont des sites web repérables via google. Je ne joindrai donc pas les liens.

 

Observatoires Chiliens Publics ou Amateurs

NOM OBSERVATOIRE

TYPE

LIEU

LONGITUDE

LATITUDE

ALTITUDE

TELESCOPES

REMARQUES

CONCEPCION

T

Campus de Concepción

73° 00' W

36° 49' S

30 m

1 de 30 cm + CCD

les 5 et 10 de chaque mois, hors périodes de fermeture Université, ciel citadin (pollution lumineuse)

ANTARES

P

Talcahuano (côte Ouest Concepción)

73° 05' W

36° 46' S

12 m

1 de 20 cm + CCD

observatoire amateur, ciel citadin (pollution lumineuse)

CERRO CHAMAN

T

Lolol (25 km Santa Cruz)

71° 32' W

34° 40' S

125 m

Celestron 14

Dobson 445 mm

4 Newton 150 mm

ciel correct de campagne

UNIVERSITAD CATOLICA

P/T

Lo Barnechea (Est Santiago)

70° 29' W

33° 21' S

960 m

5 de 0.20 à 0.50 m

Visite certains mercredis soirs, ciel moyen (pollution lumineuse)

CERRO POCHOCO

T

Lo Barnechea (Est Santiago)

70° 29' W

33° 21' S

940 m

3 de 0.25, 0.20 et 0.17 m

ciel moyen (pollution lumineuse)

CRUZ DEL SUR

T

5 km Combarbala

Cerro El Peralito

71° 00' W

31° 10' S

1 100 m

2 télescopes de 400mm

2 télescopes de 350mm

4 coupoles + planétarium, observatoire public, tours guidés

HACIENDA DES ETOILES

T/A

Nord de Monte Patria

70° 47' W

30° 32' S

1 495 m

Celestron C14 de 400 mm

C8 de 200 mm + CCD

Ciel pur et Gite rural

accès en 4x4

ELQUI DOMOS

T

12 km Pisco Elqui

70° 29' W

30° 09' S

1 360 m

lunettes 60 et 80mm

Bungalows-dômes, entouré de montagnes

DEL PANGUE

T/A

17 km au Sud de Vicuña

70° 42' W

30° 08' S

1 478 m

Dobson 630mm Obsession

Meade 400mm LX200

2 Dobson 300mm

ciel pur, Salles de repos, PC, cuisine disponible pour groupes d'amateurs, CCD utilisable sur T400m

HOTEL ELQUI

T

Pisco Elqui

70° 32' W

30° 06' S

750 m

Dobson 300mm Orion

Observations sur terrasse; Lieu entouré de montagnes

CERRO MAYU

T

30 km à l'Est de La Serena

71º 00' W

30º 00' S

500 m

SC 300mm Meade

ciel pur, coupole, CCD depuis décembre 2008

COLLOWARA

T

Andacollo

71° 03' W

30° 14' S

1 300 m

SC 356 mm + CCD

Dobson 406 mm

S-N 254 mm

 2 S-N 250 mm

ciel pur

MAMALLUCA

T

9 km au Nord de Vicuña

70° 41' W

29° 59' S

1 070 m

Meade 300mm LX200

ciel moyen (pollution lumineuse)

EL TOLOLITO

P

La Serena

71° 15' W

29° 54' S

30 m

Celestron 200 mm

Meade 300 mm

usage réservé aux écoles, ciel citadin pollué

INCA DE ORO

T/A

2 km de Inca de Oro

69° 54' W

26° 44' S

1 600 m

Meade 350mm LX200

3 télescopes de 20 cm

ciel pur. Désert d'Atacama, coupole. Logement à Diego de Almagro (50 km)

BAQUEDANO

P

Lycée Baquedano (60 km N-E Antofagasta)

69° 50' W

23° 20' S

1 030 m

Celestron 200mm

Usage réservé au lycée local, ciel citadin pollué, ciel pur a quelques km du village

SPACE OBS

T/A

7 km au Sud de San Pedro de Atacama

68° 12' W

22° 55' S

2 420 m

Dobsons 330, 450, 600mm

2 Mease LX200 de 250mm

T200mm Newton

Lunette FS102

T350mm + CCD

Bon ciel, Atacama Lodge, cuisine. Observations sur terrasse.

CCD sur Lunettes et T350

EXPLORA

T

San Pedro de Atacama

68° 12' W

22° 50' S

2 420 m

Meade 350mm LX200

Bon ciel, Hôtel de luxe, coupole

T = observations touristiques

A = possibilité d'observations astronomiques propres avec les instruments de l'observatoire

P = Observatoire privé

 

Pour l'astronome amateur actif, le tout nouvel Observatoire del Pangue sort du lot, étant à la fois bien au sud - à -30° de latitude - et dans la région aux cieux les plus sûrs, avec de très gros télescopes et des possibilités d'hébergement proche.

 

Dans la région touristique de San Pedro de Atacama à -23° Sud, c'est "Space Obs", dirigé par un français et bien équipé en matériel, qui offrira le plus de prestations.

 

Enfin , entre les deux zones précitées, le meilleur choix sera certainement l'Observatoire Inca de Oro, situé en plein désert d'Atacama, à -26° de latitude, avec un ciel très pur, mais sans possibilité de logement proche à moins de 50 km, à Diego de Almagro.

 

Pour terminer le tour des activités astronomiques chiliennes, il faudra tout de même ajouter les visites des observatoires professionnels qui sont décrits dans le 2ème tableau, en notant toutefois que les 4 observatoires les plus au sud sont des sites historiques, à présent professionnellement inactifs.
Compte tenu du nombre restreint de jours de visites des grands observatoires et de la forte demande, il sera préférable de réserver longtemps à l'avance.

 

Observatoires Professionnels du Chili

NOM OBSERVATOIRE

LIEU

LONGITUDE

LATITUDE

ALTITUDE

GROS TELESCOPES

VISITES

MAIPU RADIOASTRON

Maipu

70° 51' W

33° 30' S

446 m

Radio-télescopes

abandonné depuis 2005. Observatoire historique

MANUEL FOSTER ASTROPHYS.

Cerro San Cristobal

Santiago

70° 37' W

33° 25' S

840 m

1 de 0.94 m

fermé. Observatoire historique

CERRO CALAN

12 km à l'Est de Santiago

70° 32' W

33° 23' S

860 m

2 de 0.45 et 0.35 m

Visites chaque semaine en soirée. Observations visuelles guidées

CERRO EL ROBLE

90 km au N-E de Santiago

71° 02' W

32° 58' S

2 220 m

1 makzutov de 0.70 m

Accès libre du site seulement

CERRO PACHON

110 km au Sud-Est de La Serena

70° 44' W

30° 14' S

2 710 m

1 de 8.1 m "Gemini"

1 de 4.0 m "SOAR"

+ futur LSST de 8 m

Visite le samedi, même accès que Cerro Tololo

CERRO TOLOLO

80 km au Sud-Est de la Serena

70° 48' W

30° 10' S

2 215 m

1 de 4 mètres

Visite le samedi

LA SILLA

160 km au Sud-Est de La Serena

70° 43' W

29° 15' S

2 347 m

2 de 3.6 et 3.5 m

12 autres télescopes

Visite chaque samedi (hors juillet et août)

LAS CAMPANAS

190 km au Sud-Est de La Serena

70° 42' W

29° 00' S

2 280 m

2 de 6.50m "Magellan"

+ futur GMT de 24m

Visite le samedi

CERRO PARANAL

120 km au sud d'Antofagasta

70° 25' W

24° 40' S

2 630 m

4 de 8.2 m (VLT)

Visite les 2 derniers week-ends de chaque mois (sauf décembre)

CERRO ARMAZONES

Atacama

70° 11' W

24° 35' S

2 700 m

3 de 1.5 , 0.82 et 0.41 m

+ futur TMT de 30 m ?

Pas de visites publiques, structure universitaire

LLANO DE CHAJNANTOR

Altiplano Atacama

67° 45' W

23° 01' S

5 100 m

Radio-télescopes ALMA + CBI + APEX

Site en construction, visites sujettes à conditions

 

Vous ne pourrez pas bien sûr observer à partir des observatoires actifs, mais leur découverte fera partie des innombrables occasions d'émerveillement offertes par le Chili, qui s'étalant de -17° à -55° de latitude offre toute une palette de très belles choses à voir et à vivre !

 

Si ce récit vous a fait rêver et vous a décidé à partir vers ces contrées lointaines, je vous dis alors "Buen viaje en Chile"... et au plaisir de vous lire à votre retour !

 

 

Cet article a été également publié dans Astrosurf-Magazine N°36 de Janvier/Février 2009

 

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Contact : Gilbert Javaux