Mystérieuse "Goutte Noire"
Exceptionnel Transit de Vénus ! Le spectacle a été observé à travers le monde entier, tant par des astronomes professionnels qu'amateurs qui n'auraient voulu, pour rien au monde, rater ce passage historique. De nombreux observateurs occasionnels, curieux des phénomènes célestes exceptionnels, ont regardé également avec un certain intérêt cet inhabituel Transit de Vénus, qui s'est déroulé pour la plupart d'entre nous sous un ciel magnifique, dénué de nuages.
Et si la plupart ont vu le spectacle au moyen de lunettes "Spécial Eclipse", ou par système de projection, c'est avec des jumelles ou de petits ou grands télescopes équipés de filtres appropriés, que l'événement prenait toute son ampleur. Pendant environ six heures, la petite planète Vénus a traversé lentement dans sa partie inférieure le gigantesque disque solaire, nous gratifiant au passage de plusieurs moments forts, à savoir son arrivée aux points de contact avec le disque du Soleil.
Les yeux rivés à l'oculaire ou sur l'écran de projection, guettant le liseré de l'atmosphère de Vénus ou la célèbre "goutte noire", ceux qui ont vécu cet événement ne sont pas près d'oublier le lent déplacement de cette petite tache noire bien ronde sur le disque solaire.
Juste après le troisième contact, lorsqu'une partie de Vénus sortait du disque solaire, de nombreux observateurs du monde entier ont rapporté l'observation d'un anneau de lumière concentrique, que certains ont pu photographier, au bord de Vénus sur la partie du globe de la planète qui faisait face au Soleil. C'était clairement la réfraction de la lumière du Soleil dans l'atmosphère épaisse de Vénus.
Le Swedish 1-m Solar Telescope (SST) de La Palma (Iles Canaries) a capturé la lumière du Soleil réfractée par l'atmosphère de Vénus. L'anneau brillant a été artificiellement augmenté neuf fois.
Une larme discrète |
Mais alors que les rapports d'observations sur le passage historique de Vénus devant le Soleil circulent à travers le monde, un mystère demeure concernant l'effet de "goutte noire". Pourquoi certains l'ont vu alors que d'autres non ? Le phénomène s'est produit ou s'agit-il d'une illusion ?
L'effet de "goutte noire" est vu lorsque Vénus ou Mercure est tangentielle au limbe solaire et une gouttelette ou un ligament apparaît, qui semble relier la planète au bord sombre du Soleil, donnant quelquefois à la planète l'aspect d'une larme. Cette particularité, observée pour la première fois pendant un transit de Mercure en 1677, a été largement décrite et commentée aux 18ème et 19ème siècle.
De Lalande, dans les "Mémoires de l'Académie des Sciences pour 1769", donne une description précise du phénomène :
"Plusieurs astronomes habiles ont remarqué en 1761 et en 1769, que dans le contact intérieur des bords de Vénus et du Soleil, il se forme entre les deux bords une espèce de ligament allongé qui dure pendant plusieurs secondes, et qui semble être une protubérance, une excroissance, un appendice du disque de Vénus. Quand cette planète approche du disque du Soleil avant de commencer à sortir, et avant qu'elle paraisse prête à toucher le bord du Soleil, on voit comme un point noir s'élancer du bord de Vénus et se réunir au bord intérieur du Soleil, plusieurs secondes avant que la circonférence de Vénus coïncide avec celle du Soleil."
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Pourtant, si certains semblent avoir photographié ou observé nettement quelque chose ressemblant à la mystérieuse "goutte noire" lors du récent transit de Vénus, la plupart d'entre eux ont vu quelque chose de beaucoup moins prononcé que l'effet observé dans le passé. Et la grande majorité des observateurs n'ont pas rapporté avoir vu l'effet escompté. Avec des instruments à grande ouverture, l'effet n'est pas apparu aux longueurs d'ondes visuelles, ni en H-alpha.
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L'énigme continue |
Les avis divergent pour tenter d'expliquer cette anomalie.
Nous pouvons être certains que l'effet n'est pas causé par l'atmosphère de Vénus parce que Mercure le montre également et que Mercure n'a aucune atmosphère significative. L'illusion d'optique de l'oeil est exclue puisque des clichés photographiques le montrent aussi.
La principale théorie avancée est une meilleure qualité des télescopes d'aujourd'hui. Des conditions atmosphériques exceptionnellement bonnes ont également été suggérées. Certains observateurs ont rapporté avoir vu la "goutte noire" à la sortie mais pas à l'entrée. Certaines images montrent des points de contacts sombres sans vraiment suggérer une quelconque "goutte noire". D'autres images montrent une partie sombre légèrement plus foncée et floue, entre Vénus et le bord du Soleil, au moment du 2ème et 3ème contact, qui ne tord pas réellement le disque apparent de la planète. Peu d'images montrent une forme de larme prononcée similaire aux descriptions des siècles précédents.
Jay Pasachoff (Williams College), dans son étude avec Glenn Schneider (University of Arizona) des images satellites des passages de Mercure de 1999 et 2003, montre que le système optique des télescopes et le pouvoir de résolution sont des facteurs dans l'effet de "goutte noire". Pasachoff étudiera des images du satellite TRACE (Transition Region and Coronal Explorer) du Transit de Vénus pour essayer de mieux comprendre ce phénomène aujourd'hui encore bien mystérieux.
Ainsi l'effet de "goutte noire" reste aussi énigmatique au 21ème siècle qu'au 19ème siècle et les discussions sont susceptibles de continuer longtemps, alimentées par les rapports d'observations, ou de non observations, dudit phénomène.
L'étude des nombreuses images ou encore l'analyse des données des satellites en orbite hors de l'atmosphère terrestre apporteront sans doute une tentative d'explication cohérente en attendant le prochain transit de Mercure le 08 Novembre 2006 que les observateurs des continents Nord et Sud Américains ou Australien pourront admirer, ou le prochain passage de Vénus devant le disque solaire du 06 Juin 2012, lequel sera observable depuis le continent Nord Américain, l'Asie ou l'Australie et dont nous ne verrons que la fin en Europe.
Ensuite il faudra patienter jusqu'en 2117 pour revoir la petite planète Vénus accomplir un nouveau passage devant le Soleil.
Pour en savoir plus sur la "Goutte Noire" |
The Black-Drop Effect: A 240-year-old Astronomy Problem Solved
Papier final soumis à Icarus en mai 2003 et accepté en juillet 2003. J. M. Pasachoff (Williams College--Hopkins Obs.), G. Schneider (Steward Obs., U. Az.), L. Golub (Harvard-Smithsonian CfA)
Università di Bologna Dipartimento di Astronomia GUIDO HORN D’ARTURO The “black drop” phenomenon
and astigmatism. (Pubblicazioni dell’Osservatorio astronomico
della R. Università di Bologna, vol. I,
n.3, 1922)
AAS 203rd Meeting, January 2004 Session 1 HAD I: Transit of Venus [1.04] Explanation of the Black-Drop Effect at Transits of Mercury and the Forthcoming Transit of Venus J. M. Pasachoff (Williams College--Hopkins Obs.), G. Schneider (Steward Obs., U. Az.), L. Golub (Harvard-Smithsonian CfA)
DPS 2001 meeting, November 2001 [10.02] TRACE Observations of the 15 November 1999 Transit of Mercury G. Schneider (Steward Observatory, University of Arizona), J.M. Pasachoff (Willimas College, Hopkins Observatory), L. Golub (Smithsonian Astrophysical Observatory)
AAS 197, January 2001 [1.03] The Transit of Venus and the Notorious Black Drop B. E. Schaefer (Univ. Texas Austin)
Space Studies of the Black-Drop Effect at a Mercury Transit Glenn Schneider (Stewart Observatory) Jay M. Pasachoff (Williams College, Hopkins Observatory) Leon Golub (Smithsonian Astrophysical Observatory)
TRACE coverage of the Mercury Transit November 15, 1999
Transit de Mercure de 1999 vu par TRACE
Astronomy Picture of the Day
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