Les occultations mutuelles de planètes observables depuis la Terre font parties des événements astronomiques les plus rarissimes. Confinées la plupart du temps dans une bande étroite de 5 degrés de part et d'autre de l'écliptique, les planètes mènent un ballet incessant dans nos cieux, se croisent souvent et offrent ainsi à l'observateur le spectacle de magnifiques rapprochements et de somptueuses conjonctions planétaires. En moyenne, une douzaine de conjonctions planétaires se produisent chaque année. Si la Lune, avec son diamètre apparent imposant, occulte plus fréquemment les planètes, le faible diamètre apparent des planètes réduit considérablement les chances d'observer le passage de l'une d'elle devant une autre. |
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Le dernier passage d'une planète devant une autre a eu lieu le 03 Janvier 1818, lorsque Vénus est venue masquer provisoirement et partiellement Jupiter.
La prochaine fois qu'un tel événement se produira sera le 22 Novembre 2065 vers 12h43 UTC, lorsque Vénus proche de la conjonction supérieure passera de nouveau devant le disque de Jupiter. Toutefois, cet événement se produira à seulement 8° du Soleil et par conséquent ne sera visible qu'au moyen de filtres appropriés pour se protéger des rayons dangereux du Soleil. Avec un diamètre angulaire de 10.6", Vénus occultera tout d'abord Ganymède, vers 11h24 UTC, avant d'effectuer son passage devant le disque d'un diamètre apparent de 30.9" de la planète géante Jupiter. Ce spectacle, visible de la plupart des régions les plus au sud de la Terre, se déroulera en réalité à quelques minutes de différence selon le lieu d'observation en raison des effets de la parallaxe.
Dans le Journal de la British Astronomical Association (80, 282, 1970), Jean Meeus a recensé quatre occultations mutuelles planétaires entre 1500 et 1850, mais curieusement aucune entre 1850 et 2000.
Steven Albers s'est penché sur ce problème dans un article intitulé "Mutual Occultation of Planets" et publié dans la célèbre revue Sky & Telescope (March 1979, Vol 57 #3, p 220).
A l'aide d'un programme informatique de grande précision, écrit en Fortran, spécialement pour la recherche d'occultations mutuelles de planètes, Albers a obtenu des résultats surprenants. Il y a eu manifestement peu d'occultations parmi les neuf planètes principales au cours des quelques centaines d'années passées, et il y a un faible nombre à venir dans les prochains siècles. Il y a une curieuse pénurie d'occultations mutuelles entre 1818 et 2065. Albers a trouvé au total 21 événements de cette nature au cours de la période allant de 1557 à 2230, avec aucun pour le 20 siècle et seulement 2 au cours du 19ème siècle. Au 21è siècle, 5 événements se produiront, mais pas avant 2065. La recherche d'autres événements en tenant compte des quatre gros astéroïdes n'a pas ajouté de cas supplémentaires d'occultations à cette liste.
Occultations mutuelles de Planètes (entre 1557 et 2230) |
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Date * |
Heure (en UT) |
Planète occultante |
Planète occultée |
Plus courte distance (en secondes d'arc) |
Elongation |
Commentaires |
07h47 |
Vénus |
Jupiter |
18.0 |
25° Ouest |
Pas d'enregistrement historique |
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04h55 |
Vénus |
Mars |
07.0 |
34° Ouest |
Observée par M. Möstlin à Heidelberg |
|
02h08 |
Jupiter |
Neptune |
04.0 |
108° Ouest |
La découverte de Neptune n'a eu lieu qu'en 1846. Galilée a observé Jupiter le 28 Décembre mais a pris Neptune pour une étoile |
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17h03 |
Jupiter |
Uranus |
05.1 |
09° Ouest |
Proche du Soleil. La découverte d'Uranus n'a eu lieu qu'en 1781 |
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13h26 |
Jupiter |
Neptune |
02.6 |
165° Ouest |
La découverte de Neptune n'a eu lieu qu'en 1846 |
|
13h02 |
Mercure |
Uranus |
07.6 |
25° Est |
La découverte d'Uranus n'a eu lieu qu'en 1781 |
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12h46 |
Mercure |
Jupiter |
10.8 |
01° Est |
Trop proche du Soleil |
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21h48 |
Vénus |
Mercure |
22.1 |
22° Est |
Observée par John Bevis |
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19h38 |
Vénus |
Saturne |
09.2 |
14° Ouest |
Pas d'enregistrement historique |
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05h40 |
Mercure |
Uranus |
01.3 |
24° Est |
Observable en Nouvelle-Caledonie, Australie et au Japon |
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20h35 |
Mercure |
Saturne |
16.1 |
20° Ouest |
Visible à l'est des îles les plus au nord du Japon |
|
21h51 |
Vénus |
Jupiter |
12.2 |
16° Ouest |
Pas d'enregistrement historique |
|
12h47 |
Vénus |
Jupiter |
14.2 |
08° Ouest |
Trop proche du Soleil |
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11h57 |
Mercure |
Neptune |
10.0 |
18° Ouest |
Occultation seulement au pôle Nord en plein jour |
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01h30 |
Mercure |
Mars |
01.2 |
11° Ouest |
Visible au lever du Soleil à l'est de l'Asie |
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13h46 |
Mercure |
Jupiter |
19.0 |
05° Ouest |
Trop proche du Soleil |
|
10h46 |
Mercure |
Jupiter |
06.3 |
02° Ouest |
Trop proche du Soleil |
|
15h26 |
Vénus |
Jupiter |
05.9 |
16° Est |
Au-dessus de l'Océan Pacifique |
|
16h07 |
Mercure |
Mars |
05.0 |
09° Ouest |
Proche du Soleil |
|
14h10 |
Vénus |
Mercure |
36.6 |
04° Est |
Trop proche du Soleil |
|
12h39 |
Mars |
Jupiter |
20.5 |
89° Est |
Régions sud du globe terrestre |
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* dans le calendier Julien pour la première occultation donnée (1570), dans le calendrier Grégorien pour toutes les autres dates
Note : deux événements figurant dans la liste des occultations pour la période allant de -3000 à +3000, calculées d'après les termes de la théorie planétaire VSOP 87 (Variations Séculaires des Orbites Planétaires), ne figurent pas dans ce tableau ni dans les statistiques établies par Steven Alber : l'occulation du 20 Juillet 1705 impliquant Mercure et Jupiter et l'occultation du 21 Août 2104 impliquant Vénus et Neptune. (Occultations mutelles de planètes - période de -3000 à +3000)
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Sur les 21 occultations mutuelles de planètes trouvées par Albers, 9 concernent Mercure comme corps occultant tandis que 8 impliquent l'étincellante Vénus. Deux impliquent aussi bien Mercure que Vénus, l'une en 1737, l'autre en 2133. A quatre reprises, Vénus occulte Jupiter (1570, 1818, 2065 et 2123), et Mercure le fait par trois fois (1708, 2088 et 2094). Seulement 4 occultations mutuelles ne concernent exclusivement que des planètes supérieures.
En dépit de sa petite taille et de sa forte inclinaison, Mercure est impliquée dans plus de la moitié des événements. Ce n'est donc pas une coïncidence que la plupart de ces événements surviennent à proximité du Soleil. Toutefois, une bonne proportion des occultations sont raisonnablement observables depuis la surface de la Terre.
Dans 11 occultations sur 21, Jupiter est à l'honneur : 8 fois en tant que planète occultée, 3 fois en tant que planète occultante.
Les événéments les plus rares sont ceux n'impliquant que des planètes supérieures, parce que ces planètes ne se déplacent pas aussi rapidement parmi les étoiles. Dans la période de référence prise en compte par Albers (1557-2230), quatre événements ne concernent que des planètes supérieures, tous impliquant Jupiter. La planète Mars n'est présente que dans un seul (en 2223), Uranus dans un également (en 1623), Neptune dans les deux autres (en 1613 et en 1702). Saturne n'est occultée ou n'occulte aucune autre planète supérieure.
Nombre d'occultations et répartition pour la période allant de l'an 1557 à 2230 |
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Planètes occultées |
|
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Planètes occultantes |
Mercure |
Vénus |
Mars |
Jupiter |
Saturne |
Neptune |
Uranus |
A |
|
Mercure |
- |
- |
2 |
3 |
1 |
1 |
2 |
9 |
42,86% |
Vénus |
2 |
- |
1 |
4 |
1 |
- |
- |
8 |
38,10% |
Mars |
- |
- |
- |
1 |
- |
- |
- |
1 |
4,76% |
Jupiter |
- |
- |
- |
- |
- |
2 |
1 |
3 |
14,29% |
B |
2 |
- |
3 |
8 |
2 |
3 |
3 |
21 |
|
9,52% |
- |
14,29% |
38,10% |
9,52% |
14,29% |
14,29% |
|||
A = Nbre de fois où la planète est occultante B = Nbre de fois où la planète est occultée
Exemples de lecture du tableau : - Vénus occulte Jupiter à 4 reprises - Par 8 fois, Vénus vient masquer une autre planète - Jupiter est impliquée dans 11 événements : 8 fois en tant que planète occultée, 3 fois en tant que planète occultante |
Un tableau de répartition des événements portant sur une période plus longue, entre l'an -3000 et +3000, et comprenant au total 190 occultations, montre que Mercure est impliquée dans 30% des cas des occultations en tant que planète occultante, Vénus l'est dans un plus de la moitié, et Mars dans 13% des événements. Jupiter occulte d'autres planètes par 6 fois.
Nombre d'occultations et répartition pour la période allant de l'an -3000 à +3000 |
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Planètes occultées |
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Planètes occultantes |
Mercure |
Vénus |
Mars |
Jupiter |
Saturne |
Neptune |
Uranus |
Pluton* |
A |
|
Mercure |
- |
5 |
12 |
19 |
11 |
5 |
3 |
1 |
56 |
29,47% |
Vénus |
10 |
- |
6 |
41 |
19 |
12 |
14 |
1 |
103 |
54,21% |
Mars |
- |
- |
- |
13 |
5 |
5 |
2 |
0 |
25 |
13,16% |
Jupiter |
- |
- |
- |
- |
0 |
2 |
4 |
0 |
6 |
3,16% |
Saturne |
- |
- |
- |
- |
- |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Uranus |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
0 |
0 |
0 |
0 |
Neptune |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
0 |
0 |
0 |
Pluton |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
0 |
0 |
B |
10 |
5 |
18 |
73 |
35 |
24 |
23 |
2 |
190 |
|
5,26% |
2,63% |
9,47% |
38,42% |
18,42% |
12,63% |
12,11% |
1,05% |
|||
A = Nbre de fois où la planète est occultante B = Nbre de fois où la planète est occultée
*Pluton, découverte en 1930, a perdu son statut de planète en 2006 au profit du statut de "planète naine" |
Il est intéressant de noter que l'occultation d'Uranus par Jupiter en Août 1623 s'est produit avant la découverte d'Uranus en 1781, et que les événements de 1613 et 1702 concernant Neptune se sont produit bien avant la découverte de cette planète en 1846.
Notons également au passage que les observations des lunes de Jupiter par le célèbre astronome Galileo Galilei étaient si méticuleuses que l'astronome américain Charles Kowal et le spécialiste Stillman Drake, inspiré par l'article de Steven Albers mettant en évidence le passage de Jupiter devant Neptune le 04 Janvier 1613, ont examiné les manuscripts de Galilée et ont trouvé la preuve que l'astronome italien avait en fait noté l'emplacement de Neptune dans ses notes prises lors de son observation de la planète géante le 28 Décembre 1612 et le 28 Janvier 1613.
L'examen minutieux de documents anciens pourrait révéler d'autres surprises de ce genre.
De rares observations |
En des temps encore plus reculés que la période considérée par Albers, une occultation mutuelle planétaire a été observée et consignée par le moine Gervase à Canterbury, à l'occasion du passage de Mars devant Jupiter le 12 Septembre 1170 vers 20h48 UT.
Le moine et chroniqueur anglais du XIIe siècle, Gervais ou Gervase de Canterbury, plus connu sous son nom latin de Gervasius Dorobornensis, décrit la scène :
"Sur les Ides de Septembre, à minuit, deux planètes ont été vues en conjonction à un tel degré qu'elles étaient visibles comme si elles avaient été une seule et même étoile; mais immédiatement, elles se sont séparées l'une de l'autre."
Les astronomes chinois ont également consigné cet événement. Dans les tables d'observations publiées dans "Compilation of Astronomical Chapters in the 24 Histories" (China Book-House, Beijing, 1975), le phénomène a été enregistré comme une occultation.
La seule occultation de Mars par Vénus, comprise dans la période étudiée par Albers, a été observée par Michael Möstlin (1550-1631) à Heidelberg le 03 Octobre 1590.
Mais depuis l'utilisation du télescope comme moyen d'observation, seule l'occultation mutuelle planétaire du 28 Mai 1737 semble avoir été observée en tant que telle.
Dans un article intitulé "John Bevis and a Rare Occultation" par Roger Sinnott et Jean Meeus, publié dans Sky and Telescope (September 1986, Vol 72 #3 p 220), les auteurs relatent les circonstances de cette observation unique réalisée par l'astronome amateur John Bevis. Cette observation reste à ce jour le seul témoignage décrivant de façon détaillée l'occultation d'une planète par une autre depuis l'invention du télescope.
Voici une traduction de ce texte de grand intérêt :
John Bevis et une rare occultation Roger W. Sinnott, Sky & Telescope, et Jean Meeus,
Erps-Kwerps, Belgique |
Seulement une fois depuis d'invention du télescope une planète majeure a été vue occulter une autre. C'était lorsque le disque de Vénus est passé devant Mercure, la cachant pour plusieurs minutes au cours du crépuscule en Angleterre le 28 Mai 1737. De plus, une seule personne a été témoin de ce rare phénomène, un astronome amateur nommé John Bevis.
Les détails de cet événement presque oublié sont confus ou mal interprétés. Par exemple, dans Sky & Telescope de Décembre 1956, page 68, Joseph Ashbrook a décrit à tort l'occultation comme vue au matin en plein jour. Au début de 1982, un membre de la Société astronomique Belge a noté que la description par Ashbrook était incompatible avec les données de Steven C. Albers dans Sky & Telescope de Mars 1979, page 220. La question semble mériter un réexamen soigneux.
Né en 1695 et physicien par profession, Bevis a rédigé une douzaine d'articles sur plusieurs décennies pour les "Philosophical Transactions" de la Société Royale. Ceci suggère que l'astronomie, non la médecine, était sa passion. Il travailla de nombreuses années sur un atlas stellaire, et sans rapport sort encore "chiner" dans le marché de livres rares.
Charles Messier a crédité Bevis d'avoir observé, en 1731, ce que nous appelons maintenant la Nébuleuse du Crabe dans le Taureau (M1).
Les détails de la vie de Bevis sont vagues, mais il semble avoir eu de fréquents accès aux instruments à l'Observatoire Royal, Greenwich. Ils doivent avoir montré le ciel avec bien moins de clarté que les télescopes de la plupart des amateurs d'aujourd'hui. Depuis peu la lunette achromatique a été conçue, son éventuel promoteur John Dollond n'a pas encore eu vent de l'idée.
William Herschel, qui utilisera un jour des réflecteurs plus performants, n'était pas encore né. La plupart des plus puissants télescopes en 1737 étaient des longs réfracteurs à simple lentille. Bevis utilisa un télescope de 24 pieds de ce type, probablement moins de 3 pouces d'ouverture, pour observer l'occultation Vénus-Mercure.
Bevis a publié deux rapports de la rare occultation dans "Philosophical Transactions". Un court préliminaire (dont un vague brouillon) est dans le numéro d'Octobre-Novembre 1738, tandis que son compte-rendu complet, reproduit ci-dessous, viendra plusieurs années plus tard. Ce qu'il a exprimé lui-même en latin scolaire peut suggérer l'importance de l'événement aux yeux de Bevis, pour plus de participants, en 1741, où l'écriture était en anglais. (Pour certaines parties de la discussion qui suit nous sommes redevable à Julia Budenz de l'Université d'Havard, expert sur le Latin scientifique en usage au début du 18ème siècle, laquelle a fait des commentaires de valeur sur le choix des mots de Bevis).
Compte-rendu de Bevis dans Philosophical Transactions de Janvier-Février 1741. L'angleterre utilisait encore le calendrier Julien; la date Grégorienne de l'occultation était le 28 Mai. Aussi, parce que les astronomes débutaient traditionnellement leur jours à midi apparent local, nous devons ajouter 12 heures et une correction horaire supplémentaire (estimée par U. J. J. Leverrier à -3m57s) au temps solaire de Bevis afin d'obtenir le Temps Universel correspondand dans la table de la page.
Crédit : Sky & Telescope (September 1986, Vol 72 #3 p 220)
Le rapport est un modèle de style observationnel, étant renforcé par des temps de passage au méridien du Soleil et Vénus qu'il a fait plus tôt le même jour, et encore le suivant. Tout chercheur ultérieur peut par conséquent déterminer à nouveau les corrections de temps de Bevis. Nous voyons que Bevis a employer une horloge sidérale et une horloge solaire (horologium, en latin) et a fréquemment comparé leur lecture. De temps à autre, comme il regarde, il fait des pauses pour faire un chronométrage ou ajuste les fils de son micromètre. L'excitation monte lorsque l'horloge solaire indique 21h28 et il décide d'écarter le micromètre afin de faire un chronométrage plus fidèle du contact de Mercure avec le limbe de Vénus. A 21h44, il note que Mercure est "pas plus distant qu'un dixième du diamètre de Vénus". Puis, hélas, les nuages interviennent !
A 21h52m06s à l'horloge, Bevis remarque que "Vénus brille une fois plus très intensément; Mercure est en fait entièrement dissimulée derrière Vénus. Mais les nuages rattrapent Vénus à nouveau, évitant la contemplation ultérieure de ce rare spectacle."
Certainement un moment palpitant. Mais de notre avantage de 2 siècles et demi plus tard, ce qui plus remarquacle est ce que Bevis n'a pas dit. Lorsqu'il fait état que Vénus brille intensément à nouveau, avec Mercure complètement dissimulée, les deux planètes devaient être à moins de 2° au-dessus de l'horizon théorique !
Le grand mathématicien céleste U. J. J. Leverrier, dans sa Tables of Vénus (1861), a analysé l'occultation de Bevis en grand détail. Mais lui, comme Bevis, a omis toute mention de la faible altitude. Peut-être qu'en pur astronome mathématicien Leverrier n'était pas concerné par les difficultés observationnelles. A partir de ses propres tables Leverrier a calculé les latitudes et longitudes écliptiques de Vénus et Mercure, vus depuis Greenwich, à 20h, 21h et 22h de Temps Universel le soir fatidique. Puis, après interpolation supplémentaire, Leverrier trouva que le disque de Mercure avait déjà commencé à émerger de l'occultation au moment où Bevis pouvait voir seulement Vénus. Pas de problème, toutefois, parce que Mercure était alors illuminée par le Soleil à 55 pour cent; le limbe sombre a émergé en premier et l'échec de Bevis pour voir Mercure était pleinement expliqué ! La nouvelle version de son histoire dans "The Astronomical Scrapbook" d'Ashbrook (1984) note la fierté manisfestée par l'astronome de Paris à cet heureux accord entre l'observation et la théorie.
En fait, Leverrier était plus chanceux qu'il pouvait avoir imaginé. Apparemment ni Ashbrook ni personne d'autre dans les 125 dernières années n'a noté une simple erreur arithmétique commise par Leverrier dans l'interpolation des trois positions horaires. N'ayant pas fait cette erreur, Leverrier aurait placé Mercure beaucoup plus en plein milieu derrière le disque de Vénus au moment de la dernière vision de Bevis derrière les nuages.
Calculs Modernes |
Indépendamment du travail de Steven Albers en 1979, nous avons décidé d'examiner l'événement en utilisant deux jeux de théories planétaires qui sont apparus depuis l'époque de Leverrier. L'une est celle de Simon Newcomb, programmée pour un ordinateur par Edwin Goffin, et l'autre est le récent travail de P. Bretagnon à l'Observatoire de Paris.
Crédit : Sky & Telescope (September 1986, Vol 72 #3 p 221)
Pour comparer les calculs variés d'une manière honnête, examinons en premier la table ici, laquelle donne les séparations minimales des planètes pour un observateur imaginaire au centre de la Terre :
Référence |
Temps |
Séparation |
Leverrier |
21:50:41 UT |
28".78 |
Newcomb |
21:50:16 ET |
36".82 |
Albers |
21:55 ET |
35".21 |
Bretagnon |
21:51:04 ET |
36".20 |
Notez que les données de Leverrier sont en instant de Temps Universel, tandis que les résultats de Newcomb, Albers, et Bretagnon se réfèrent au Temps des Ephémérides. La différence (ET-UT) entre ces deux systèmes de temps n'est pas connue précisément pour 1737, mais elle était certainement très petite (une étude publiée a conclu qu'elle était de -3 secondes, et une autre de +12 secondes). Ces résultats géocentriques montrent que Leverrier, Newcomb, et Bretagnon sont tous plutôt d'accord sur le temps de la plus petite approche, tandis qu'Albers la place environ quatre minutes plus tard. D'autre part, la séparation de Leverrier semble trop petite.
Le meilleur accord est entre Newcomb et Bretagnon, et la table de la page 221 montre comment ces résultats concordent avec ce que Bevis dit avoir vu. La table inclut également l'altitude de Vénus. Tout observateur aujourd'hui reconnaîtrait immédiatement le sévère handicap avec lequel Bevis a dû travailler. La vision est toujours pauvre si proche de l'horizon, et la divergence entre les distances observées et calculées entre les planètes à 21:40:03 UT est entièrement pardonnable.
Moins de plusieurs minutes de la dernière vision furtive de Bevis, Vénus a dû se coucher à un point sur la ligne d'horizon de Londres d'environ 12° à droite de la célèble Tour de Londres. Que Bevis ait même espéré suivre les planètes descendre très près de l'horizon est remarquable. D'autre part un membre de la famille Cassini, observant la même soirée à Paris, un peu plus loin à l'est, a perdu la vision des planètes dans "les vapeurs de l'horizon" bien avant qu'ait lieu l'occultation. En tant que curiosité visuelle, l'observation de John Bevis reste encore inégalée en astronomie, et elle est sûre de le rester pour bon nombre d'années à venir.
Références : |
- Journal de la British Astronomical Association (80, 282, 1970) - "Mutual Occultation of Planets" by Steven Albers - Sky & Telescope, March 1979, Vol 57 #3, p 220-222 - "John Bevis and a Rare Occultation" by Roger Sinnott and Jean Meeus - Sky and Telescope, September 1986, Vol 72 #3 p 220-222 - Mutual Planetary Occultations Past and Future - Their Observation Circumstances by Larry Bogan - Galileo's observations of Neptune - Charles T. Kowal & Stillman Drake
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