Les Transits de Vénus à travers les siècles
- Les passages de Vénus devant le Soleil de 1631 et 1639
- Les Transits de Vénus 1761 et 1769
- Les Passages de Vénus devant le Soleil au 19è siècle
Les Transits de Vénus à travers les Siècles |
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C'est en étudiant les nombreuses observations de Tycho Brahé (1546-1601) relatives à la trajectoire de la planète Mars, que l'astronome allemand Johannes Kepler (1571-1630) découvre alors les célèbres lois sur le mouvement des planètes (1609-1619) : les planètes décrivent des ellipses et non des cercles.
Dans les dernières années de sa vie, Kepler se consacrera à l'élaboration de tables précises de positions des planètes. Les Tables Rudolphines, bien plus précises que les tables précédentes, seront publiées en 1627, et permettront de prévoir un passage de Mercure devant le Soleil pour le 7 Novembre 1631, ainsi qu'un transit de Vénus pour le 7 Décembre 1631.
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Pierre Gassend, dit Gassendi (1592-1655) observera à Paris le passage de Mercure, rendu possible grâce, en 1609, à l'introduction en astronomie de l'usage de la lunette par Galilée (1564-1642). Mais Kepler n'aura pas cette chance, puisqu'il décédera un an avant l'événement, sans pouvoir vérifier l'exactitude de ses Tables. |
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Le passage de Vénus devant le Soleil de 1631 ne sera pas observé en Europe, celui-ci s'étant déroulé après le coucher du Soleil.
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Le passage de 1631
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Reprenant les Tables Rudolphines pour les mettre en conformité avec ses propres observations, Jeremiah Horrocks (1619-1641), prévoit un autre passage de Vénus pour le 4 décembre 1639, non signalé par Kepler, qui avait bien vu un cycle principal de 120 ans sans réaliser que les passages s'effectuaient par paires et espacés de 8 années.
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Horrocks observera le transit de Vénus, en compagnie de son ami William Crabtree (1610-1644), et recueillera des nombreuses données permettant d'améliorer les connaissances de l'époque sur l'orbite de Vénus et sur la parallaxe du Soleil qu'il fixera à 15". Le premier observateur d'un Transit de Vénus publiera ses travaux dans son principal ouvrage Venus in Sole visa.
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Le Transit en 1639 |
Jeremiah Horrocks observe le transit de Vénus du 4 Décembre 1639. Peinture de Eyre Crowe - Walker Art Gallery, Liverpool
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A partir de l'observation de la planète Mars en 1672 en des points différents du globe, Jean Dominique Cassini (1625-1712) et l'Abbé Jean Picard (1620-1682) à Paris, et Jean Richer (1630-1696) en mission à Cayenne, avaient déterminé, avec une assez bonne approximation, la distance Terre-Soleil, et obtenu la première estimation valable en proposant une parallaxe solaire de 9,5".
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Sir Edmond Halley (1656-1742), après avoir observé depuis Sainte-Hélène le transit de Mercure de 1677, propose dès 1716, une méthode par trigonométrie pour calculer la distance au Soleil à partir de l'observation du prochain transit de Vénus prévu pour 1761. La méthode sera améliorée un siècle plus tard par l'astronome français Jean-Nicolas Delisle. |
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Le Transit de 1761
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A l'approche de la date fatidique, une campagne scientifique internationale s'organise, malgré la guerre entre Français et Anglais en Europe et sur tous les océans. L'Académie royale des Sciences envoya Jean Chappe d’Auteroche (1722-1769) à Tobolsk, en Sibérie, à la demande de l'Académie Impériale de Pétersbourg, qui de son côté enverra Roumovsky à Selenghinsk et Kourganov à Nertchinsk, près de la frontière chinoise. Guillaume Joseph Hyacinthe Jean Baptiste Legentil de la Galaisiere (1725-1792), part pour Pondichéry, comptoir français des Indes. César-François Cassini (Cassini III) dit Cassini de Thury (1714-1784) fut envoyé à Vienne, et Alexandre Pingré (1711-1796) sur l'île Rodrigues.
Les Anglais, de leur côté, envoient Nevil Maskelyne (1732-1811) sur l'île de Sainte-Hélène, et Charles Mason (1728-1786) et Jeremiah Dixon (1733-1779) dans l'île de Sumatra. Au cours du voyage, le vaisseau de Mason fut attaqué et endommagé par les Français. Mason et Dixon observèrent finalement le passage de 1761 à l'observatoire du Cap de Bonne Espérance.
Les Suédois confient à Torbern Bergman (1735-1784) et à Anders Planman (1724-1803) , l'observation du transit depuis leur territoire, le premier depuis la ville d'Upsal et le second à Cajanebourg.
Au total, 55 observateurs suivirent le phénomène, mais malgré ce nombre élévé, peu de résultats furent exploitables.
Toutefois, l'astronome russe Mikhaïl Vassilievitch Lomonossov (1711-1765) fait état d'un halo autour du disque de Vénus au cours de son passage devant le Soleil, ce qui laisse supposer que la planète possède une atmosphère.
Carte : Dominique Tournès
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Le transit suivant du 3 Juin 1769, plus favorable qu'en 1761, sera davantage suivi : 151 observateurs, répartis à 77 endroits différents sur le globe, allaient pouvoir suivre le phénomène.
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Vénus devant le Soleil en 1769
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La France envoie Alexandre Pingré et Fleurié à Saint-Domingue. Jean Chappe d'Auteroche, après avoir observé le transit de 1761 depuis la Sibérie, part à San José, en Californie, où il décédera, victime d'une épidémie, peu après avoir rempli sa mission. Véron s'embarque sur le bateau de Bougainville, en route pour le tour du monde, pour observer. Legentil de la Galaisiere, quant à lui, est toujours à Pondichéry.
Les Anglais envoient à Tahiti la frégate Endeavour, commandée par le capitaine James Cook (1728-1779), avec à son bord Charles Green (1735- ?), astronome assistant de Maskelyne. William Wales (1734-1798) et son assistant Joseph Dymond seront envoyés dans la baie d'Hudson, et Call à Madras.
Les Russes confient les observations à Roumovski depuis Kola, et à Isleniev depuis Iakoutsk. Pour la Suède, Planman observera le transit depuis Cajanebourg.
Le Révérend Père Hell s'installera à Warddhus à la demande du Danemark, mais revenu à Vienne, il refusa de donner ses observations à l'astronome Joseph Jérôme Le François de Lalande, dit Lalande (1732-1807) chargé de confrontation des observations.
Carte : Dominique Tournès
Comme en 1761, de nombreuses observations seront incomplètes et inexploitables. Le transit fut cependant observé dans de bonnes conditions à cinq endroits différents, mais les résultats ne permettent toujours pas de fixer la distance Terre-Soleil avec une précision suffisante. D'après les observations recueillies, l'astronome Lalande trouve, en 1771, une distance moyenne de la Terre au Soleil comprise entre 152 et 154 millions de kilomètres. L'occasion de parfaire les connaissances viendra un siècle plus tard avec les nouveaux transits de 1874 et 1882.
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Les progrès considérables des techniques d'observations, l'invention de la photographie et son utilisation en astronomie, et l'analyse approfondie des transits précédents, seront des facteurs décisifs pour l'amélioration de l’estimation de la parallaxe solaire. Le passage du 9 Décembre 1874 a été observé par des commissions scientifiques spéciales envoyées par de nombreux pays sur les différents points du globe où le phénomène devait être visible.
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Passage de Venus devant le Soleil en 1874
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La France, à peine remise de la guerre de 1870-1871, envoya six missions, trois dans l'hémisphère boréal et trois dans l'hémisphère austral :
L'Angleterre envoya des observateurs aux Indes, en Egypte, en Perse, en Syrie, en Chine, au Japon, au Cap de Bonne-Espérance, en Australie, en Tasmanie, à Java et aux îles Sandwich.
Les Américains s'installèrent en Sibérie, en Chine, au Japon, en Nouvelle-Zélande, aux îles Chatam et Kerguelen, et en Tasmanie.
L'Italie délégua quatre observateurs au Bengale.
L'Allemagne était présente en Perse, en Egypte, en Chine, en Nouvelle-Zélande, aux îles Auckland, Kerguelen et Maurice.
La Russie avait échelonné ses astronomes tout le long de son immense territoire, de la Sibérie jusqu'au détroit de Behring.
Carte : Dominique Tournès
La comparaison de toutes les observations faites pendant le transit de 1874 a permis de déterminer une parallaxe solaire de 8"85.
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L'Institut de France, en souvenir du passage de Vénus devant le Soleil le 9 Décembre 1874, a fait frapper une médaille portant l'inscription : "Que distent spatio sidara juncta docent" (Par leur rencontre, les astres nous font connaître les distances qui les séparent). |
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Le transit de Vénus du 06 Décembre 1882, partiellement observable pour toute la partie de l'Europe située au Sud-ouest d'une ligne passant par la Suède et la Mer Noire, pour toute l'Afrique, pour la partie Nord-ouest de l'Amérique et pour une partie Est de l'Australie, était observable dans son intégralité aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. |
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Le Transit de 1882 |
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Selon la méthode de calcul employée pour déterminer la valeur de la parallaxe, chaque pays participant à cette nouvelle expédition scientifique internationale de grande envergure, s'attacha à envoyer des missions à travers le monde.
Le transit de Vénus de 1882 a été observé à la Martinique par Félix Tisserand (1845-1896), alors professeur d'astronomie à la Sorbonne et astronome à l'Observatoire de Paris, en compagnie de Guillaume Bigourdan (1851-1932). La mission envoyée au Mexique enregistra un succès complet. De même le temps splendide au-dessus de Ste-Augustine, Floride, a permis à l'expédition de prendre environ 600 photographies du passage. La France envoya également des missions au Chili, en Patagonie, ou encore à Santa-Cruz et Rio Negro.
L'astronome français Jules Janssen (1824-1907), qui a observé le phénomène de son initiative privée à Oran, a obtenu d'excellents résultats, particulièrement en ce qui concerne la goutte noire et l'atmosphère de la planète.
Pour sa première participation à une expédition scientifique internationale, la Belgique envoya deux expéditions sur le continent américain. Sous la conduite de J.C. Houzeau, Directeur de l'Observatoire de Bruxelles, les observations faites à Uvalde au Texas furent contrariées par un temps couvert, permettant cependant de prendre des mesures micrométriques vers la fin du passage et d'observer la sortie. L'expédition envoyée à Santiago au Chili sous la conduite de l'astronome L. Niesten, bénéficia d'un temps splendide permettant d'étudier la totalité du passage.
Les Anglais envoyèrent des expéditions à Madagascar, en Amérique du Sud, à Brisbane dans le Queensland, à Melbourne et à Sydney.
Les expéditions Allemandes envoyées à Hartford dans le Connecticut ou à Aiken, Caroline du Sud, enregistrèrent un succès partiel. Deux autres missions furent également mises en place a Bahia Bianca, République argentine, et à Punta Arenas dans le Détroit de Magellan.
De nombreuses autres nations déléguèrent des astronomes à travers le monde, notamment l'Espagne, présente à Porto-Rico et à la Havane, la Hollande représentée à Curaçao, le Danemark à Saint-Thomas, ou encore le Canada. Le Brésil mit en place trois missions, dont deux installées sur son territoire, l'une à Rio de Janeiro, la seconde à Fernambouc et la troisième à Santiago de Cuba.
Aux Etats-Unis, Simon Newcomb (1835-1909) a déterminé une valeur de l'Unité Astronomique remarquablement correcte de 149,59 millions de kilomètres. Cependant, en raison d'un temps douteux sur les Etats-Unis, de nombreux observateurs n'ont pu apprécier le spectacle. Les expéditions envoyées à Sydney ou dans le Queensland connurent les mêmes déboires en raison du mauvais temps. En revanche, les missions de Melbourne, de Nouvelle-Zélande, du Cap ou de Fort Selden au Nouveau Mexique, furent couronnées de succès.
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Transit de 1882 Crédits : The |
Pour allez plus loin... |
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Le transit de Vénus de 1761 - la mission
astronomique de l’Abbé Pingré dans l'Océan
Indien
Auteur : Alexandre-Gui PINGRE
Bibliothèque Universitaire & Francophone, Le Publieur (en collaboration avec SEDES). Édition établie par le professeur Jean-Michel Racault de l'université de La Réunion
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HISTOIRE ET OBSERVATION D'UN PHENOMENE ASTRONOMIQUE
Editions Vuibert, Paris - Mai 2004 Auteur : Christophe MARLOT
400 pages 220 illustrations dont 135 gravures, photographies anciennes et documents d'époque, sept photographies inédites montrant l'effet de goutte noire lors du passage de Vénus |
Livre dirigé par Arkan Simaan Éditeur : Adapt/Vuibert
Les auteurs : BLAMONT Jacques, professeur émérite à l’Université Paris VI, membre de l’Académie des sciences
CANNAT Guillaume, ancien rédacteur de Ciel & Espace, présentateur sur la chaîne météo de l'émission quotidienne Ciel de nuit
DELAYE Yves, journaliste scientifique
LAUDON Michel, professeur de sciences physiques
LUMINET Jean-Pierre, astrophysicien à l’Observatoire de Paris et directeur de recherches au CNRS
ROODE, Steven M. van, professeur de physique à Breda (Hollande)
SELLERS David, ingénieur anglais
SIMAAN Arkan, professeur de sciences physiques
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Cet ouvrage collectif a été réalisé sous la direction de Jean-Eudes ARLOT, directeur de recherche au CNRS, Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides, Observatoire de Paris.
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